La manière dont vous fermez votre « o » ou encore la courbure des boucles de vos « e » et de vos « l » peut permettre à un expert de vous identifier dans le cadre d’une enquête judiciaire... mais aussi d’analyser votre caractère et votre personnalité. Ce sont deux approches résolument différentes - et avouons-le pas toujours fiables - mais tellement intéressantes. Zoom sur la graphologie et l’expertise en écriture, la réputation de chacune ainsi que leur recevabilité de nos jours... Est-ce l’article parfait à laisser trainer pour que vos enfants ne reproduisent plus votre signature au collège ? Voyons un peu...L’expertise en écriture... fascinante dans les enquêtes policières !
L’expertise en écriture permet de savoir si un document a réellement été écrit par l’auteur présumé de cet écrit ou bien d’en identifier l’auteur lorsqu’il est anonyme. Reconnu et utilisé par la justice, la police et la gendarmerie, l'expert en écriture n'est pas intéressé par la composante psychologique en graphologie. Ses missions : authentification d'un manuscrit, identification d'un scripteur ou des procédés suivis lors de la production du ou des documents. Il analyse aussi les moyens matériels utilisés, il repère des traces d'imitation d'écrits et de signatures ainsi que la possible présence de signes de falsification, de manipulation ou de contrefaçon documentaire. Cette technique d’identification est toujours et encore utilisée aujourd’hui dans les enquêtes policières notamment.
Si ces expertises en écriture ont pu s’avérer utiles pour démasquer des corbeaux (auteur de lettres anonymes) ou des assassins, elles n’ont pas toujours fait l’unanimité. On a vu des experts et rapports se contredire, et parfois, l’expertise en écriture est à l’origine d’erreurs judiciaires dramatiques. À l’origine de l’affaire Dreyfus, par exemple, une analyse d’écriture... L'affaire Dreyfus commence à l'automne 1894 sur la base d'une lettre appelée « bordereau ». Cette lettre prouve que des fuites sont organisées vers l'ambassade d'Allemagne à Paris. Un capitaine d'état-major de confession juive, Alfred Dreyfus, est alors accusé d'espionnage et condamné au bagne à perpétuité car son écriture ressemble à celle du bordereau. Malgré les dénégations de l'accusé, un dossier vide de preuves, l'absence de mobile,... le conseil de guerre le condamne à l'unanimité. L’affaire divisera la France pendant des années, sur fond d’antisémitisme. Non, ce n’était pas Dreyfus qui avait écrit la lettre alors que c’est l’analyse graphologique qui l’a condamné.
Autre exemple terrible : l’affaire Gregory. Pour identifier le scripteur, plus de dix experts agréés par une cour d’appel ou par la Cour de Cassation seront nommés dans ce dossier et ils désignent… 4 coupables différents dont Christine Villemin et Bernard Laroche1. « Dans l’affaire Grégory, les expertises en écriture manuscrite ont joué un rôle fondamental. Pourtant, la question de la valeur de ces expertises en écriture ne s’est pas réellement posée au cours de l’instruction. Aujourd’hui, on ne peut que constater l’échec de ces expertises ».
Ces deux cas ont conduit à la réputation controversée qui colle à cette discipline, souvent remise en question malgré son protocole très sérieux et méticuleux. En 2020, une autre technique est utilisée et bien qu’elle porte le nom de stylométrie2, elle analyse non pas l’écriture mais la syntaxe. Pour se faire, l’entreprise spécialisée a recours à de puissants algorithmes. À la différence de la comparaison d'écriture, qui s'appuie davantage sur la forme des mots et des lettres, la stylométrie étudie la syntaxe, la ponctuation ou encore la répétition entre les mots. Fascinant… mais, malgré les algorithmes, elle n’est pas non plus fiable à 100 % !
La graphologie, quand on analysait votre écriture pour vous embaucher
La graphologie, elle, étudie le graphisme et l’écriture. Ses lois physiologiques, psychologiques et les rapports qui existent entre l'écriture manuscrite des gens et leur caractère ou leur état moral et physique. Elle est occasionnellement utilisée dans le domaine du profilage (profiling), de la psychologie ou encore dans certains pôles de ressources humaines lors d’embauches.
À noter qu’en 2006 encore, 80 % des entreprises y avaient recours3 : toute lettre de motivation était manuscrite pour cette raison. Dans les postes de cadre, votre lettre passait entre les mains d’un graphologue qui donnait son avis sur vos compétences, caractère, forces et faiblesses. Par exemple, une grande écriture serait signe d’extérioration amplifiée, d’un besoin de s'affirmer ou de prendre de la place, d’audace, d’ambition ou d’orgueil... Tandis qu’une petite écriture correspondrait souvent à quelqu'un qui n'est pas obsédé par sa propre personne, sens de l'observation, minutieux, réfléchi, peu d'estime de soi, intellectuel, concentration4. Ce n’est évidemment pas non plus une science exacte et la technique est tombée en désuétude pour ce qui concerne les embauches.
Certes, ce ne sont pas des sciences exactes. L’expertise en écriture a montré ses limites, tout comme la graphologie. Pourtant, nous sommes toutes et tous capables de reconnaître au premier coup d’œil l’écriture de notre maman ou papa, celle de nos enfants, d’un ami très cher... et même d’un amoureux d’il y a 40 ans (celui qui vous écrivait des lettres d’amour, vous vous souvenez ?). L’écriture manuscrite est une signature, une empreinte qui a le charme que nos SMS ou mails n’ont pas (mais vous pouvez être déjoué par la police scientifique quand même).
NB : Et pour Junior qui souhaite imiter votre signature sur son carnet de correspondance. Erreur Junior. Tes parents le verront à l’œil nu !
Sources :