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Écriture manuscrite et psychomotricité

28. February 2024

L’avis d’experts d'Aurélien d’Ignazio et Juliette Martin

Aurélien d’Ignazio et Juliette Martin sont tous deux psychomotriciens. Ils exercent en cabinet libéral et en institutions spécialisées. Formés à de multiples approches rééducatives et thérapeutiques, ils contribuent quotidiennement au dépistage des troubles des apprentissages et à la rééducation. Auteurs d’un livre à destination des parents et des enseignants, à paraître aux Editions Tom Pousse, intitulé 100 idées pour développer la psychomotricité des enfants, ils ont accepté de répondre aux questions de L’Atelier STABILO.

Pouvez-vous nous expliquer votre métier ? Qui sont vos patients ? 

Le psychomotricien, spécialiste des troubles psychomoteurs, intervient sur prescription médicale auprès de patients à tout âge de la vie. Nous exerçons en cabinet libéral et accueillons en grande majorité des enfants avec troubles du neurodéveloppement : autisme, trouble du développement des coordinations (anciennement dyspraxie), trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité, etc. Nous rencontrons également beaucoup d’enfants présentant des difficultés à l’écriture, des troubles oppositionnels, des difficultés de régulation émotionnelle ou encore de confiance en soi. Il n’est pas rare que plusieurs de ces difficultés évoquées se chevauchent.

L’approche psychomotrice consistera en la proposition d’exercices et dispositifs corporels visant à améliorer les capacités fonctionnelles de l’enfant (ce qu’il sait faire avec son corps) en association avec des aspects moins quantifiables tels que la conscience du corps, l’image de soi, la capacité à verbaliser ses ressentis... (la façon dont il investit son corps dans sa relation aux autres).

Selon les besoins de l’enfant, nos propositions peuvent être à dominance motrice (exercices d’adresse, jonglage, renforcement tonique, amélioration des coordinations motrices…), à dominance sensorielle (stimulation sensorielle ciblée, relaxation…), à dominance purement rééducative (rééducation de l’écriture manuelle, amélioration de la prise de conscience du corps dans l’espace, mise en place de stratégies cognitives pour diminuer l’impulsivité par exemple), etc.

Intervenez-vous auprès des enfants qui ont des difficultés à écrire ? 

Oui, c’est même une indication très fréquente, surtout en provenance de parents et d’enseignants.

Y a-t-il une différence avec les métiers de graphothérapeute, rééducateur en écriture, orthopédagogue, ergothérapeute ou graphopédagogue... ? 

Je ne connais pas en détail tous ces métiers. Pour certains, il s’agit souvent de dispositifs de reconversion et non de formation initiale. Les champs théoriques peuvent être différents et l’actualisation des connaissances également. Il y a très probablement des champs de recouvrement sur certains tests utilisés et certains principes incontournables dans la prise en charge des troubles de l’écriture.

Parmi ces métiers, les seules professions en France comportant un diplôme d’état et reconnues dans le champ de la santé sont à ce jour celles de psychomotricien et d’ergothérapeute. Bien sûr, cela ne présume pas des qualités de tous les professionnels que vous avez cités à titre individuel mais cela donne un cadre officiel circonscrit par un décret de compétences et une formation minimale de 3 ans.

Pensez-vous, comme certains articles et auteurs l’ont dit, que les enfants d'aujourd'hui ont une perte de motricité fine – notamment la difficulté de tenir un crayon – et que cela pourrait être dû aux écrans ?

Cette question mérite d’être explorée mais dans l’état actuel, je ne suis pas sûr qu’il y ait assez d’éléments pour démontrer un lien de cause à effet directe.

En effet, si l’on veut disposer d’éléments de réponse sérieux, il faut vraiment être en mesure de préciser la question et que la recherche s’y emploie : de quel type d’écran parle-t-on ? quel est l’âge de l’enfant ? pendant combien de temps ? depuis combien de temps ? à quelles compétences précises de motricité fine fait-on allusion ? comment compare-t-on les groupes d’enfants ? comment neutralise-t-on les biais ? (comme, par exemple, les facteurs psychosociaux associés à une surconsommation d’écran qui peuvent à eux-mêmes constituer des freins dans le développement psychomoteur même sans écran) etc.

Certaines applications sur tablette tactile (avec ou sans stylet) sollicitent d’ailleurs très bien la motricité fine (déliement digital, interdépendance des doigts, etc.). Je me fais l’avocat du diable mais je comprends fort bien les réticences auxquelles vous faites allusion. Le danger n’est pas l’écran en lui-même (le contenant) mais son contenu, sa surexposition et le temps que l’enfant passera « en moins » à manipuler et explorer le monde dans une dimension sensori-motrice indispensable à son développement.

Si vous intervenez auprès d'enfants (ou d'adultes) ayant des difficultés à écrire, qu'est-ce qui définit votre méthode ?

Nous partons toujours d’une évaluation initiale (un bilan psychomoteur) qui cible des domaines déficitaires éventuels dans le registre de l’écriture au moyen de tests standardisés pour évaluer quantitativement la performance en terme de qualité et de vitesse. Nous évaluons également les secteurs qui interviennent aussi dans l’acte d’écrire (visuo-perception, posture, déliement digital, tonus musculaire, motivation, attention…).

Lorsque nous intervenons spécifiquement sur l’écriture, nous déterminons la phase dans laquelle se trouve l’enfant par rapport à son âge et son niveau (phase d’apprentissage, de consolidation, de personnalisation) et les facteurs déficitaires sur lesquels nous axerons nos dispositifs de rééducation (lenteur, lettres ambiguës, lignes non planes, mauvais sens de tracé, levers de crayons trop nombreux, mauvais espace entre les lettres, etc.). Selon les difficultés, nous pouvons proposer des prérequis moteurs à renforcer, des apprentissages explicites que l’enfant avait mal intégrés, des outils cognitifs pour mieux s’en rappeler, etc.  pour tendre à l’automatisation des progrès et leur généralisation au quotidien. Enfin, nous n’oublions jamais l’aspect « plaisir » qui doit rester en toile de fond de la séance.

Toutes nos procédures seront d’ailleurs décrites dans notre prochain ouvrage aux éditions Tom Pousse qui sortira à la rentrée prochaine.

Utilisez-vous ou leur donnez-vous à utiliser des stylos ergonomiques ?

Oui mais pas de façon systématique et pas pour tous. Les guide-doigts, stylos à encoche ou crayons à section triangulaire occasionnent parfois plus de gêne que de bénéfice. Ils imposent en effet de façon plus ou moins stricte le positionnement des doigts (la fameuse prise unique « idéale »), ce qui peut entraîner un excès de tension, surtout si la prise « naturelle » de l’enfant ne correspond pas aux encoches préétablies de l’outil. Aussi, certains accessoires (manchons, crayons adaptés…) augmentent significativement le diamètre du crayon, ce qui facilite la préhension mais empêchent les mouvements précis des doigts. 
 
Les embouts neutres, en gel silicone, peuvent néanmoins être intéressants pour le confort de la prise. Ils absorbent une éventuelle crispation et limitent les glissements en cas de sudation importante. Certains bracelets élastiques peuvent servir (au moyen d’une boucle joignant crayon et poignet) à abaisser mécaniquement le stylo dans la commissure du pouce.
 
Même s’ils peuvent dans certains cas faciliter une prise de conscience proprioceptive (= un feedback sensoriel d’une position des doigts efficace pour l’enfant), nous conseillons néanmoins ce type d’usage à des temps limités, de façon non systématique et idéalement en séance de rééducation.

Un conseil à donner à nos lecteurs ? Enseignants ? Parents ?

Essayer de donner de l’appétence et de l’attractivité très tôt dans les expériences de l’enfant avec le graphisme et surtout l’écriture. Il faut trouver des leviers motivationnels, comme par exemple :

  • Faire prendre conscience à l’enfant par la discussion que l’écriture ne « sert » pas uniquement pour l’école mais qu’elle revêt d’autres d’intérêts au quotidien (noter une idée sur un post-it, écrire une carte postale,  réaliser une liste de courses…).
  • L’impliquer dans le choix des propositions. 
  • Alterner une tâche d’écriture avec un jeu corporel debout et dynamique.
  • S’entraîner sur des supports variés pour mettre le contexte scolaire à distance (support vertical, applications sur tablette tactile, écriture avec craies grasses, dans du sable…).
  • Créer des contextes ludiques et distrayants (écrire des messages secrets, prendre son texte en photo, dresser une liste de cadeaux, détailler la procédure d’un tour de magie).
  • Se lancer des petits défis (écrire les yeux fermés ; le mieux/plus mal possible ; le plus vite/lentement possible, en changeant son écriture…).
  • Travailler en groupe pour s’appuyer sur des processus dynamiques d’imitation et d’échange de stratégies.

L’Atelier STABILO va s’empresser d’envoyer sa gamme d’outils d’écriture ergonomiques STABILO EASY, les crayons multi-talents STABILO woody 3in1 et nous vous partagerons leur avis ! Et vous ? Êtes-vous convaincus par l’ergonomie d’un crayon triangulaire, d’un roller ergonomique ?  

Plus d'informations : https://www.psychomotricien-liberal.com/blog/

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